11. mars, 2012
L'appartement est trop petit. Tu veux peindre. Les chiffons traînent partout. Y en a marre de la vie parisienne. Mais tu tentes à nouveau de peindre la porte Brandebourg. Qu'allons-nous faire maintenant ? Tu te mets donc à peindre et je m'en vais errer sur le boulevard. Il y a des fleurs partout. Elles éclosent sous la pluie et mes cheveux longs dégoulinent. Mes chaussures prennent l'eau mais j'ai besoin de marcher.
La nuit tombe en même temps que les douleurs crépusculaires. Le Dôme s'illumine au loin.
C'est l'angoisse du lendemain, mais je suis rassurée, je sais que tu peins. Tu franchis la Porte Brandebourg à l'heure qu'il est, et moi, au lieu d'être près de toi, j'erre dans Montparnasse, et des passants s'imaginent que j'ai fumé la moquette, alors que je lutte simplement contre la douleur crépusculaire par une forte évasion rêveuse.
Quand je suis éveillée dans ces moments-là, je laisse différents rêves s'entrechoquer et cela produit d'étranges mariages au cours desquels époques, lieux et personnages se mêlent avec une ironie flatteuse.
Je suis alors parfois, comme ce présent, si présent soir, en train de fredonner Erlkönig,("Wer reitet so spät, durch Nacht und Wind....."),tremblante, dans le petit salon, à Asnières, je tiens dans mes mains "LE" Nightwood , pris sur notre table de nuit, je suis sur les bords du Rhin en train de résoudre une équation au deuxième degré à deux inconnues, et Guillaume Apollinaire me fait le même clin d'oeil que sur l'édition Gallimard.Et ....
"A la fin tu es las de ce monde ancien
Bergère ô tour eiffel
Le troupeau de tes ponts bêle ce matin"...
Epuisée par tant de concentration, je frappe à la porte du petit studio boulevard Pasteur, d'où s'élève la gigantesque porte qui sépare l'est de l'ouest, et Jasmin à encore vidé ses tripes dans la bassine bleue comme chaque fois qu'elle peint sur Berlin.
La nuit est agitée de cauchemars et je me rêve encore en haute mer sur le pont du bateau qui nous conduit à Zagreb. Combien de bateaux blancs et enneigés avons-nous senti flotter sous nos pieds avant de pouvoir accoster?
Quand les nausées prennent le large, flottent des accents de béatitude proche du bonheur.
Nous arrivons au petit matin, et je n'aime toujours pas le petit matin qui me sépare de toi.
Derniers commentaires
31.12 | 16:15
Merci à toi! Bonne année !
gmail
31.12 | 15:50
31 Décembre 2921 16h
Merci pour les textes et les oeuvres aussi diverses que variées.
Un plaisir renouvelé chaque année.
A l'année prochaine dans 8h !!
🦔
10.01 | 23:26
Des écritures émouvantes, des toiles qui invitent aux voyages, la tendresse du mot et du trait sans cesse renouvelé.
Il y a toujours a découvrir.
Merci.
21.03 | 11:49
Heureuse de découvrir votre site. Il me plaît.
Hilda Damman